La miséricorde, pour moi c'est...

Dans le cadre de l'Année de la Miséricorde, pères, frères et consacrées vous proposent une réflexion personnelle sur le thème de la miséricorde.

Miséricorde, indulgence et communion des saints

« La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie », peut-on lire dès le début du texte Misericordiae Vultus du pape François. Quelques lignes plus loin, il écrit : « Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père »[1]. Par cette phrase, il nous permet de nous poser la question de savoir ce que nous pouvons faire dans le vaste domaine de la miséricorde.

 

Un peu plus loin le pape François écrit : « J’ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile ».[2]

 

Et, après avoir énuméré les œuvres de miséricorde corporelles et les œuvres de miséricorde spirituelles au nombre desquelles figure la prière pour tous membres de l’Église, les vivants et les morts, le Saint-Père précise : « l’Église vit de la communion des saints »[3]. Il semblerait qu’il y ait ici réponse à la question posée.

 

Lorsque nous récitons le Credo, nous proclamons notre foi en la « communion des saints » qui n’est autre que la solidarité absolue entre tous les membres de l’Église, ceux de l’Église militante, ceux de l’Église souffrante et ceux de l’Église triomphante. Solidarité dont saint Paul fait mention dans sa seconde lettre aux Corinthiens lorsqu’il écrit : « un membre souffre-t-il, c’est toute l’Église qui souffre ; un membre est-il à l’honneur, c’est toute l’Église qui est à l’honneur »[4]. Nul d’entre nous ne vit pour lui-même : le bien des uns est communiqué aux autres, le moindre de nos actes fait dans la charité retentit au profit de tous, les vivants et les morts, ceux qui sont en présence de Dieu et ceux qui sont au purgatoire. Par l’Évangile de saint Matthieu, le Christ nous rappelle aussi l’existence « du feu éternel préparé pour le démon et ses anges »[5] et nous fait bien comprendre que nous devons pratiquer ce que l’Église appelle « les œuvres de miséricorde ». Parmi les invitations à participer à l’Année jubilaire de la Miséricorde, il est parfaitement possible de vivre la communion des saints en priant pour nos frères défunts, en offrant des messes et en demandant des indulgences pour eux, secours que le Catéchisme de l’Église catholique nous invite aussi à leur porter.

 

Dans Misericiordiae Vultus, le Saint-Père parle « d’indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Épouse du Christ, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché »[6]. L’indulgence fait partie des bienfaits que l’Église, en tant que ministre de la Rédemption, accorde aux fidèles qui en font la demande pour eux ou pour les âmes des défunts, et qui réalisent les actes prescrits par l’Église.

 

Ici, peut-être pourrait-on essayer de donner une petite précision parce qu’il y a parfois confusion entre deux réalités très différentes que sont l’absolution et l’indulgence.

L’absolution est le pardon du péché reconnu et accusé devant un prêtre au moment du sacrement de réconciliation : elle correspond à la réconciliation avec Dieu. Cette absolution efface la faute mais n’a pas d’effet sur la peine temporelle qui en résulte et qui correspond, elle, à ce que saint Jean-Paul II identifie aux structures de péchés[7], c’est-à-dire au désordre introduit dans la société et dans le monde. C’est cette peine temporelle qui est l’objet de l’indulgence qui ne peut être active qu’après l’absolution de la faute par le prêtre.

 

Alors, comment obtenir les indulgences pour soi-même ou pour les âmes de défunts ? Bien sûr nous ne pouvons rien sans les conseils et les normes établies par l’Église, mais dès maintenant on peut essayer de vivre « à fond » le chemin étroit que nous propose le Sauveur qui consiste à agir « dans le monde » sans être « du monde » selon les ultimes recommandations du Seigneur recueillies par saint Jean lors de la dernière Cène. Pourquoi ne pas faire le premier pas en acceptant et en offrant les difficultés et les déplaisirs quotidiens que nous avons à vivre au milieu des « structures de péché » dont on déjà parlé ? Ne pas rendre l’insulte pour l’insulte, l’humiliation pour l’humiliation sans renoncer à témoigner de la Vérité du Christ.   

 

Et là, il est évident que nous ne pouvons pas nous passer du secours de la Vierge Marie qui occupe la première place de cette communion des saints. La Mère du Christ, Mère de Dieu et Mère de miséricorde à laquelle on peut tout confier et en particulier nos intercessions et actions pour obtenir des indulgences pour nos frères défunts. « Marie qui fut préparée depuis toujours par l’amour du Père pour être l’Arche de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Et, comme le souligne le pape François, nous étions nous aussi présents dans ses paroles prophétiques »[8].

 

[1] Pape François, Misericordiae Vultus, § 3.

[2] Idem, § 15.

[3] Idem § 22.

[4] Cf. 1 Co 12, 26-27.

[5] Cf. Mt 25, 41.

[6] Pape François, Misericordiae Vultus, § 22.

[7] Cf. Jean-Paul II, Sollicitude Rei Socialis, § 37, 1987.

[8] Pape François, Misericordiae Vultus, § 24.