Dans le monde occidental, de grandes victoires ont été remportées en faveur de la femme pour lui permettre d’obtenir les mêmes droits que l’homme. On ne peut penser l’Occident en le détachant de ses racines chrétiennes. Il faut donc admettre - et pour cela montrer - que la philosophie et la théologie chrétiennes ont œuvré en faveur d’une véritable évolution positive de la condition féminine. Pour preuve : il n’en va malheureusement pas de même aujourd’hui dans les cultures orientale, africaine et asiatique. Comment l’influence du christianisme a-t-elle favorisé les femmes ?
Au cours des premiers siècles de notre ère, pour le droit romain, la femme était considérée comme un simple maillon de la famille ou comme une marchandise qui s’échangeait contre une dot. Le père choisissait l’époux de sa fille et avait, toute sa vie, pouvoir de vie ou de mort sur elle. Le christianisme apporta une toute nouvelle façon de considérer la femme. Les signes et les paroles de Jésus-Christ s’adressaient aux hommes et aux femmes sans distinction. Dès les débuts de l’Église, les péchés de tous, homme ou femme, étaient pardonnés de la même manière pour tous. Le même paradis leur était promis. Droits et devoirs du chrétien étaient identiques pour tous.
Cependant, le contexte qui a vu naître le christianisme était teinté d’une mentalité profondément discriminatoire envers les femmes. Jésus n’avait pas hésité à protester contre tout ce qui offensait leur dignité. Il avait même établi avec les femmes de son époque un rapport de liberté et d’amitié (Marthe et Marie, par exemple). S’il ne leur attribua pas le même rôle apostolique qu’à ses disciples masculins, il a fait d’elles les premiers témoins de sa Résurrection et les a valorisées par l’annonce et la diffusion du Royaume de Dieu pour lesquels elles jouèrent un rôle essentiel (Marie-Madeleine, notamment). Jésus a donc établi quelques différences entre l’homme et la femme et leur manière de le servir. Le pape Benoît XVI l’explique de la façon suivante : « Nous trouvons une première différence dans le fait que, dans la tradition sous forme de profession, seuls des hommes sont nommés comme témoins, tandis que dans la tradition sous forme de narration les femmes ont un rôle décisif, elles ont même la prééminence par rapport aux hommes. Cela peut venir du fait que, dans la tradition juive, seuls les hommes pouvaient être acceptés comme témoins au tribunal, le témoignage des femmes étant considéré comme non fiable. La tradition « officielle » qui, pour ainsi dire, se présente devant le tribunal d’Israël et du monde, doit donc s’en tenir à ces normes afin de pouvoir faire face au procès de Jésus, qui d’une certaine manière se poursuit. Les récits, à l’inverse, ne se sentent pas liés par cette structure juridique, mais ils communiquent l’ampleur de l’expérience de la Résurrection. Tout comme près de la Croix, déjà - à l’exception de saint Jean -, seules des femmes s’étaient trouvées là, ainsi leur était aussi destinée la première rencontre avec le Ressuscité. L’Église, dans sa structure juridique, est fondée sur Pierre et les Onze, mais dans la forme concrète de la vie ecclésiale, ce sont toujours et de nouveau les femmes qui ouvrent la porte au Seigneur, qui l’accompagnent jusqu’au pied de la Croix et qui ainsi peuvent aussi le rencontrer en tant que Ressuscité. »[1]
Au-delà de ces différences, l'apôtre Paul lui-même, s’opposant aux coutumes païennes de son temps (qui, très souvent méprisaient à la fois esclaves et femmes, les considérant comme des inférieurs, voire des objets inanimés), proclamait sans hésitation leur égale dignité devant Dieu : « Il n'y a ni esclave ni homme libre ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 28).
C’est dans ce contexte du début de l’ère chrétienne que Cécile et Agnès, à Rome, et de nombreuses autres femmes, osèrent proclamer leur liberté personnelle au nom de Jésus-Christ. Elles le payèrent de leur vie. Elles s’opposèrent à l’autorité paternelle injuste, aux pressions familiales et aux habitudes séculaires de vivre un mariage forcé. Elles avaient choisi de consacrer leur vie et leur virginité à l’amour de Jésus-Christ. L’Église prit leur défense et fit tout ce qu’elle put pour que leur choix soit respecté. Mais il fallut du temps et de nombreux martyrs pour que les mœurs changent et que l’idéal chrétien puisse être respecté par les autorités civiles.
Bien que n’échappant pas complètement à la mentalité de leur temps – encore très misogyne - certains grands hommes d’Église ont pourtant défendu dans leurs écrits et leurs prédications la liberté des filles de Dieu et proclamèrent leur dignité à égalité avec celle de l’homme. Au 4e siècle, saint Basile écrivait : « La vertu de l’homme et de la femme est une, puisque leur venue au monde est identique, de telle sorte que la récompense est la même pour l’un comme pour l’autre. (…) Ceux qui sont de même nature ont les mêmes œuvres »[2].
Nombreux pourraient être les exemples qui montrent pourtant comment l’Église a connu d’âpres discussions concernant la femme. Certaines questions ayant d’ailleurs duré plusieurs siècles et… pas toujours en faveur des femmes ! Tributaire de la mentalité de son temps, l’Église est finalement parvenue, même si parfois trop lentement, à une juste reconnaissance de la dignité féminine.
Pour n’en citer qu’un exemple, voici quelle fut la discussion à propos du ministre du baptême. Tertullien (150-220) s’appuyait sur la première épître aux Corinthiens (1Co 14,34) pour refuser aux femmes le droit de baptiser, même en cas d’urgence. Il sera suivi par beaucoup d’autres théologiens qui s’exprimaient en termes peu respectueux de la dignité féminine, jusqu’à Jean Calvin (1509-1564)[3]. Mais en 1094, le pape Urbain II prend position en sens contraire, de même que saint Thomas d’Aquin qui argumente en disant que, si c’est une femme qui célèbre le rite, le Christ lui-même agit à travers elle[4]. Le concile de Florence (XVe siècle) tranchera définitivement le débat, d’autant plus que, concrètement, c’était le plus souvent des infirmières ou des sages-femmes qui baptisaient en situation d’urgence !
Dans le mariage, l’Église a fini par exiger le libre consentement de l’homme et de la femme comme la condition sine qua non de la validité du sacrement. Quelle en était la raison ? Une seule : protéger la jeune fille du mariage arrangé par ses parents ou du rapt.
Le premier exemple de reconnaissance d’invalidité d’un mariage par manque de liberté fut celui de Radegonde et de Clotaire Ier, en 567. Au XIIIe siècle, Agnès, Princesse de Prague, repoussa plusieurs propositions de mariage, dont celle de l’empereur Frédéric II, en 1235. Le pape intervint en personne en faveur d’Agnès pour lui permettre de répondre à son désir de suivre le Christ en entrant au monastère. De l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge, la condition de la femme reste très teintée de culture gréco-romaine et les exigences du Nouveau Testament ne sont pas encore réalisées. Parfois, le mariage était accompagné d’une bénédiction religieuse, alors que la signature elle-même n’apparaissait pas sur un document écrit. Il faut attendre jusqu’au 4e Concile du Latran (1215) pour que des mesures concrètes de protection de la femme soient prises. Le Pape Innocent III est à l’origine d’un premier statut légal pour la femme. Les mariages ne pouvaient plus se réaliser clandestinement. Il s’agit d’un acte révolutionnaire de la part des Pères conciliaires. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un acte officiel décrète – sous peine de châtiment – le droit des femmes à décider elles-mêmes de leur choix de vie. Même si l’acte novateur avait déjà été proclamé, il fallut encore attendre des siècles pour que les vieilles habitudes changent...
À partir du XIe siècle, une dévotion très spéciale à la Vierge Marie commence à se développer et une grande partie des cathédrales gothiques que nous visitons encore aujourd’hui lui sont dédiées, par exemple Notre-Dame de Paris. À cette époque, les femmes, surtout celles de la haute noblesse, jouissaient d’un plus grand prestige et d’une liberté qui allait jusqu’à accompagner leur époux aux croisades.
On connaît le nom de celles qui accompagnèrent la première croisade : Elvire de Castille qui mit au monde son fils Alphonse et le fit baptiser dans le Jourdain ; Godehilde de Tosny, d’une noble famille anglaise, épouse de Baudouin 1er de Jérusalem et qui mourut pendant l’expédition. Mais les femmes qui faisaient partie des croisades n’étaient pas toutes épouses de chef. Certaines accompagnaient les troupes, telles ces deux converses de la collégiale de Serrabone, près de Perpignan, du nom de Richarda et d'Estevania [5]. La deuxième croisade fut accompagnée par la Reine de France, Eléonore d’Aquitaine (1122-1204), qui réussit à convaincre plusieurs dames de haut rang de partir avec elle. D’autres femmes participèrent aux croisades et même aux combats, particulièrement contre les Sarrasins lors du siège de certaines villes.
À la cour royale de différents pays, les filles recevaient la même éducation que les garçons. Les monastères féminins devenaient d’authentiques centres de culture. Bon nombre de femmes sont devenues auteurs d’œuvres littéraires, théâtrales et spirituelles.
On sait qu’au Moyen Âge, le concept d’« auteur » faisait référence aux auteurs latinistes. Il était donc difficile d’obtenir ce statut pour ceux qui écrivaient en langue vernaculaire, et encore plus pour une femme. Malgré tout, un bon nombre d’entre elles, telles que Marie de France (deuxième moitié du XIIe siècle) ou Christine de Pisan (1364 - vers 1430), toutes deux poètes, ont été reconnues dans le monde de la littérature médiévale comme d’authentiques auteurs.
N’oublions pas de mentionner quelques femmes de grande influence dans le cercle de la vie religieuse et monastique. D’abord Hildegarde de Bingen (1098-1198), abbesse bénédictine allemande, médecin, compositeur et femme de lettres. Parmi les œuvres religieuses qu’elle écrivit, trois se font remarquer par leur caractère théologique : Scivias, sur différents sujets de théologie dogmatique, Liber Vitae Meritorum, sur des thèmes de théologie morale, et Liber Divinorum Operum, sur la cosmologie, l’anthropologie et la théodicée. Elle écrivit aussi des œuvres de caractère scientifique : Liber Simplicis Medicinae/Physica, sur les propriétés curatives des plantes et animaux ; Liber Compositae Medicinae/Causae et curae, sur l’origine des maladies et leur traitement. Vous trouverez actuellement plusieurs de ses ouvrages en vente dans votre librairie ! Hildegarde est également à l’origine de la Lingua ignota, la première langue artificielle de l’histoire. Elle composa soixante-dix-huit œuvres musicales regroupées sous le titre de Symphonia armonie celestium revelationum. Reconnue comme maîtresse en théologie, Hildegarde a été proclamée « docteur de l’Église » en 2012, par le pape Benoît XVI. Elle est la quatrième femme à être proclamée docteur de l’Église, après sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d’Avila et sainte Thérèse de Lisieux.
Bien d’autres femmes, consacrées à Dieu, eurent une grande influence sur la société de leur temps : Claire d’Assise (1193-1253), fondatrice des clarisses ; Agnès de Prague (1205-1282) ; Ermentrude de Bruges (1210-1280) ; Gertrude de Helfta[6] (1256-1302), abbesse et écrivain mystique qui faisait étudier la philosophie, l’histoire, la médecine, la linguistique et autres sciences profanes à ses religieuses ; Mathilde de Magdebourg (1207-1283) est à l’origine d’une œuvre littéraire intéressante, tant par son aspect linguistique de grande qualité poétique que par son aspect historique, donnant beaucoup d’informations sur le statut de la femme au Moyen Âge; Brigitte Birgersdotter, connue sous le nom de sainte Brigitte de Suède (1303-1373), fut reine, mère, puis religieuse et femme de lettres et théologienne suédoise ; Catherine de Sienne (1347-1380) qui fit revenir le pape Grégoire XI d’Avignon à Rome ; Catherine de Bologne (1413-1463) ; Caritas Pirckheimer (1462-1532), etc.
À partir du XVIe siècle, dans les pays qui ont adopté la Réforme protestante, les formes de vie consacrée où les femmes pouvaient trouver une autre voie de réalisation personnelle que le mariage ont été éliminées tout comme la vénération de la Vierge Marie qui représentait une valorisation incontestable de la féminité.
La femme a été insérée dans un système religieux patriarcal et masculin. Dans ce contexte, la femme n’avait pas d’autre horizon que celui de son propre foyer dans une soumission totale à son père et à son mari. C’est dans ce contexte (chrétien) qu’est né le mouvement féministe en tant que tel, en pleine révolution anglaise (1688-1689). Les femmes des Églises anglicane et réformée, trouvant appui dans le Nouveau Testament, affirmèrent avec force que si Dieu les aime en tant que femmes et s’il ne fait pas de différence entre les personnes, alors le Parlement devrait agir de même ! C’est donc dans la Sainte Écriture ou la Parole de Dieu qu’on trouve le fondement de la revendication des droits de la femme.
En France, le contexte révolutionnaire cherchera par tous les moyens à exclure de la visibilité socioculturelle et politique tant l’Église que les femmes. La sécularisation ne cessait de croître comme affirmation de modernité, avec des modèles de réalisation typiquement masculins. Les progrès de la condition de la femme ont malheureusement rétrocédé dans la mesure où, à partir de la Renaissance, les juristes ressuscitèrent le Droit Romain et, avec lui, le statut d’infériorité de la femme. Cette récession sera confirmée dans le Code Civil de Napoléon, inspiré du Droit de l’empereur Justinien qui faisait de la femme un être « perpétuellement inférieur ».
Il serait naïf de penser que l’émancipation de la femme actuelle soit due aux représentants du siècle des Lumières. Leur vision sur la « race féminine » apparaît comme infâme et scandaleuse à nos esprits d’aujourd’hui, puisqu’ils la citent banalement, sans honte, parmi des objets et accessoires à consommer ou à utiliser. « Cela commence, précisément, dès l’état de nature de Rousseau, dont le sauvage, « pour seuls biens », explique-t-il, « connaît la nourriture, une femelle et le repos ». (…) Diderot établit ses ambitions à « un carrosse, un appartement commode, du linge fin, une fille parfumée ». (…) La chosification instrumentalisante de l’être féminin peut aller loin, parfois. Nous pensons par exemple au frère cadet de Mirabeau, qui d’une de ses « conquêtes » fait écrire au héros de sa Morale des Sens : « C’est un meuble de nuit, dont le jour on ne sait que faire ». (…) Et Sade d’utiliser cette métaphore : « Je me sers d’une femme par nécessité, comme on se sert d’un vase dans un besoin différent ». (…) Le fameux vers si désinvolte de Musset : « Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ». (…) D’autres diagnostiquent dans l’imposition du rapport sexuel à « l’espèce femelle » (comme sans élégance écrira Voltaire), un droit primordial. » [7] Les fameux Droits de l’Homme et du citoyen, proclamés en France en 1789, n’avaient été alors pensés et établis que pour… le mâle. Paradoxalement, c’est dans ce contexte que la nouveauté de l’apostolat des religieuses fit son apparition. L’implication féminine dans la Révolution française, que ce soit sur les barricades, dans les œuvres de charité ou dans la défense des prêtres réfractaires, permit la prise de conscience que les femmes sont une force pour la conservation des structures chrétiennes dans la société. Leur contribution dépassait donc largement le cercle familial auquel on les limitait. Les suppressions et séquestrations de monastères durant l’époque napoléonienne et dans le climat libéral qui a suivi la restauration avaient malgré tout contribué à rendre une meilleure image de la vie religieuse. Elle était désormais purifiée de ses privilèges, ainsi que de la mise en clôture forcée pour les femmes à cette époque.
Dans ce contexte difficile, quelques femmes luttèrent fortement pour obtenir d’être entendues. L’une d’elles fut Olympe de Gouges (1748-1793), femme de lettres, dramaturge, pamphlétaire et politicien française. Non seulement elle s’est battue pour l’abolition de l’esclavage des noirs, mais elle écrivit aussi La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (1791), dont les premiers mots sont : « Homme, es-tu capable de justice ? Une femme te questionne ! » Parallèlement, l’immense fleurissement de congrégations religieuses féminines aux XVIII et XIXe siècles, témoignent de cette vitalité au sein de l’Église même pour œuvrer au service de la formation des jeunes filles, par la création d’écoles.
Contemporaine d’Olympe de Gouges, Mary Wollstonecraft (1759-1797) était philosophe et femme de lettres britannique. Pendant sa brève carrière, elle écrivit des romans, des traités, un récit de voyage et un livre pour enfants. Mais elle est surtout connue pour son livre Revendication pour les Droits des Femmes, dans lequel elle explique que les femmes ne sont pas inférieures aux hommes par nature, mais par manque d’éducation. Elle soutient que les hommes et les femmes devraient être traités comme des êtres rationnels et elle propose un ordre social s’appuyant sur la raison. Elle s’opposait à des écrivains, tels que James Fordyce et John Gregory, et à des philosophes de l’éducation, tels que Rousseau qui, lui, soutenait que la femme n’avait pas besoin d’éducation rationnelle. Wollstonecraft défend énergiquement l’idée que les épouses doivent être les compagnes rationnelles de leur mari. Elle montre que, si la société décide de confier l’éducation de ses garçons aux femmes, celles-ci doivent être éduquées adéquatement pour transmettre la connaissance à la génération future[8].
Tandis que la pratique religieuse masculine diminuait, surtout dans les contextes urbains et industrialisés, les religieuses s’inséraient de façon immédiate parmi les gens, sur les lieux de vie quotidienne, là où mûrissaient les transformations sociales, économiques et culturelles. Se détachant de l’ancien modèle monastique, les fondatrices développèrent l’apostolat de leurs religieuses dans des milieux souvent hostiles au clergé. Par le biais actif, gratuit et donc désarmant de la charité, les « bonnes sœurs » pénétraient toutes les couches de la société. Elles ont largement anticipé, voire inspiré, les services de l’état qui, eux, n’étaient pas en mesure de remédier aux problèmes sociaux de l’époque. Elles créèrent entre autres de très nombreuses institutions pour l’éducation des jeunes filles. Une fois instruites, les femmes allaient bousculer au fil du temps l’ordre traditionnel de la société, du travail, de la famille et de la maternité.
Avec la révolution industrielle et la première guerre mondiale la participation des femmes au monde du travail s’est accélérée. Les hommes étant appelés sur le front, les femmes n’avaient pas d’autre choix que de les remplacer sur les lieux de travail. Ce fut le début d’un très grand nombre de changements pour les femmes qui se sont amplifiés après la seconde guerre mondiale. Pour n’en citer que quelques-uns, pensons au changement de vêtement, tel que le port du pantalon, l’accès aux études universitaires, la maternité menée en parallèle avec une carrière professionnelle, l’accès au vote politique, etc.
Pendant les années 90, les femmes européennes et américaines étaient parmi les plus libres du monde. Le mouvement féministe avait atteint la plupart de ses objectifs : droit à l’éducation, droit au vote, accès à toutes les professions, égalité de salaire et bien d’autres libertés. Avec toutes ces réussites, on aurait pu penser que, ayant obtenu l’égalité en dignité et en droits avec l’homme, la femme ne se sentirait plus opprimée. La théorie du genre n’allait pas tarder à pointer. L’Église s’exprime clairement sur les conséquences qu’entraîne un tel mépris de la complémentarité homme-femme dans la société. On peut d’ailleurs constater que l’Église n’a jamais autant écrit sur la dignité de la femme que dans les vingt dernières années.
Comment la théorie du genre fait-elle son entrée sur scène ? Le courant féministe des années 90 se rigidifia sur ses positions. Certains le qualifient de « victimiste »[9]. Il se caractérise par une vision négative de l’homme-masculin et une claire insistance sur l’oppression dont les femmes européennes et américaines disent être victimes. Il véhicule l’idée philosophique selon laquelle hommes et femmes sont égaux au point que rien ne les différencie. Cette détermination à ne pas reconnaître ou à ne pas attribuer des forces caractéristiques propres à l’homme et à la femme, va mener droit à la théorie dite du genre. Le magistère de l’Église s’exprime abondamment sur ce sujet par la bouche des derniers papes : « Selon cette perspective anthropologique [de la théorie du genre], la nature humaine n'aurait pas en elle-même des caractéristiques qui s'imposeraient de manière absolue : chaque personne pourrait ou devrait se déterminer selon son bon vouloir, dès lors qu'elle serait libre de toute prédétermination liée à sa constitution essentielle. Une telle perspective a de multiples conséquences. Elle renforce tout d'abord l'idée que la libération de la femme implique une critique des Saintes Écritures, qui véhiculeraient une conception patriarcale de Dieu, entretenue par une culture essentiellement machiste. En deuxième lieu, cette tendance considérerait comme sans importance et sans influence le fait que le Fils de Dieu ait assumé la nature humaine dans sa forme masculine. Face à ces courants de pensée, l'Église, éclairée par la foi en Jésus-Christ, parle plutôt d'une collaboration active entre l'homme et la femme, précisément dans la reconnaissance de leur différence elle-même. »[10] Les écrits de l’Église sur le sujet sont très nombreux. Preuve qu’elle réfléchit activement à la condition des femmes, à leur dignité et à leur vocation spécifique !
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[1] BenoÎt XVI - J. Ratzinger, Éditions du Rocher, 2011, Jésus de Nazareth - De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, p. 297-298.
[2] Basile de CÉSARÉE, Homélie sur les Psaumes 1,3.
[3] Cf. Jean CALVIN, Institution de la religion chrétienne, IV, 15/22.
[4] Cf. THOMAS D’AQUIN, Somme Théologique, IIIa, Q. 67, a. 4.
[5] PERNOUD, La femme au temps des croisades, Livre de Poche, Paris, 1990, p.50.
[6] Connue également sous le nom de Gertrude la Grande.
[7] X. Martin, L’homme des droits de l’homme et de sa compagne (1750-1850), Éditions Dominique Martin Morin, 2001, p. 68, 69, 114.
[8] Wollstonecraft, Vindications, 192.
[9] Cf. Christina Hoff Sommers, Qu’est-ce qui va, qu’est-ce qui ne va pas dans le féminisme contemporain ? AEI, Washington, D.C., 2008.
[10] J. RATZINGER, Lettre aux évêques sur la collaboration entre l’homme et la femme dans l’Église et le monde, le 31 mai 2004.