En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.
Déjà l’heure était avancée ; s’étant approchés de lui, ses disciples disaient : « L’endroit est désert et déjà l’heure est tardive.
Renvoie-les : qu’ils aillent dans les campagnes et les villages des environs s’acheter de quoi manger. »
Il leur répondit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répliquent : « Irons-nous dépenser le salaire de deux cents journées pour acheter des pains et leur donner à manger ? »
Jésus leur demande : « Combien de pains avez-vous ? Allez voir. » S’étant informés, ils lui disent : « Cinq, et deux poissons. »
Il leur ordonna de les faire tous asseoir par groupes sur l’herbe verte.
Ils se disposèrent par carrés de cent et de cinquante.
Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction et rompit les pains ; il les donnait aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Il partagea aussi les deux poissons entre eux tous.
Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés.
Et l’on ramassa les morceaux de pain qui restaient, de quoi remplir douze paniers, ainsi que les restes des poissons.
Ceux qui avaient mangé les pains étaient au nombre de cinq mille hommes.
La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu notre Père et la communion de l’Esprit Saint nous accompagnent tout au long de cette méditation. Au nom du Père…
1. J’aime bien appeler les textes d’aujourd’hui « la liturgie de l’initiative de Dieu ». Confronté parfois aux questions portant sur la pratique de notre foi, je me rends compte qu’il y a un vice dans leur formulation : pourquoi JE dois, NOUS devons, faire ou croire telle ou telle chose ? Ces questions centrées sur nous-mêmes nous font croire que dans la foi et l’amour nous avons l’initiative. Or, « ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés » (1 Jn 4, 10). Nous n’avons pas inventé l’Eucharistie, par exemple, et si pendant vingt siècles les chrétiens se sont rassemblés pour célébrer le jour du Seigneur, il y a certainement une raison qui me dépasse et je dois essayer d’y répondre. La question devrait être formulée plutôt dans ces termes : pourquoi Dieu nous a-t-il demandé de faire telle ou telle chose ? Heureusement il nous répond dans l’Écriture, la Tradition, le Magistère et la vie de l’Église.
2. L’origine de l’Eucharistie est le regard et le cœur de Jésus. Marc rapporte dans l’Évangile la rencontre du Maître avec une foule affamée : Jésus « en eut pitié, parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger, et il se mit à les enseigner longuement » (Mc 6, 34). En plus, il ordonne à ses disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37). Dieu connaît la faiblesse de l’homme, sa fatigue et ses épreuves sur le chemin de la vie et pour cette raison il est venu marcher avec nous. Il reconnaît en nous les disciples d’Emmaüs, découragés, tristes, déçus après l’échec de nos projets. Il vient à notre rencontre dans la messe, il nous explique le sens de ces événements à la table de la Parole ; il se met à table avec nous et nous offre le pain, son corps, et le vin, son sang, pour rester avec nous et nous dire que son sacrifice sur la croix est pour nous, pour notre amour. Pour demeurer avec nous tous les jours Dieu n’a pas hésité à souffrir jusqu’à l’extrême. Seigneur, qu’est-ce que l’homme, pour que tu en fasses un si grand cas ?
3. Et qu’est-ce que cela change à ma réalité concrète ? À quoi bon aller à la messe ? À quoi bon la pratique ? À quoi bon tout ? Ces questions ont radicalement changé grâce à l’Incarnation et la manifestation de Jésus, Fils de Dieu. L’homme ne lance plus désormais ces questions à un ciel vide, il n’interroge plus l’impersonnel risquant d’aller dans le non-sens. Aujourd’hui toi et moi, nous pouvons poser les mêmes questions à Jésus, à l’Emmanuel qui marche avec nous présent dans l’autel. En Jésus, Dieu lui-même est devenu notre interlocuteur, notre médiateur, notre rédempteur. Saint Bernard a très bien compris cette nouveauté : « N’interroge pas ce que tu souffres, toi, mais ce qu’il a souffert, lui. A ce qu’il est devenu pour toi, reconnais ta valeur à ses yeux, afin que sa bonté t’apparaisse à partir de son humanité. En effet, l’abaissement qu’il accomplit dans son humanité a révélé la grandeur même de sa bonté, et plus il s’est rendu méprisable en ma faveur, plus il me devient cher » (Sermon pour l’Épiphanie).