Dans la foule, on avait entendu ses paroles, et les uns disaient : « C’est vraiment lui, le Prophète annoncé ! » D’autres disaient : « C’est lui le Christ ! » Mais d’autres encore demandaient : « Le Christ peut-il venir de Galilée ? L’Écriture ne dit-elle pas que c’est de la descendance de David et de Bethléem, le village de David, que vient le Christ ? » C’est ainsi que la foule se divisa à cause de lui. Quelques-uns d’entre eux voulaient l’arrêter, mais personne ne mit la main sur lui. Les gardes revinrent auprès des grands prêtres et des pharisiens, qui leur demandèrent : « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » Les gardes répondirent : « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! » Les pharisiens leur répliquèrent : « Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarer ?
Parmi les chefs du peuple et les pharisiens, y en a-t-il un seul qui ait cru en lui ? Quant à cette foule qui ne sait rien de la Loi, ce sont des maudits ! » Nicodème, l’un d’entre eux, celui qui était allé précédemment trouver Jésus, leur dit : « Notre Loi permet-elle de juger un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait ? » Ils lui répondirent : « Serais-tu, toi aussi, de Galilée ? Cherche bien, et tu verras que jamais aucun prophète ne surgit de Galilée ! » Puis ils s’en allèrent chacun chez soi.
Nul ne pourrait te chercher avec droiture sans te trouver. Te chercher avec droiture veut dire te chercher comme tu veux que l’on te cherche. Apprends-moi, Seigneur, à te chercher. Que, te cherchant, je ne rencontre rien d’autre que toi. S’il est vrai que je ne désire rien d’autre que toi, donne-moi, Père, de te trouver. S’il existe en moi d’autres désirs, de vaines attentes, purifie-moi et rends-moi ainsi capable de te voir (Saint Augustin, Soliloques, L 1, 5-6).
1. Les foules sont divisées au sujet de Jésus, ils se demandent qui il est. Il y a ceux qui reconnaissent la puissance de ses paroles et de ses gestes. C’est une clairvoyance que saint Jean l’évangéliste met en scène de manière tristement ironique dans le chapitre 9 de son Évangile. Un homme aveugle est guéri par Jésus. Les pharisiens et chefs veulent taire ce miracle. Ils l’appellent pour comparaître devant eux et essaient de lui faire renier le pouvoir de Jésus, car, ils disent : « nous ne savons pas d’où il vient ».
L’ancien aveugle répond avec une logique imbattable : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (cf. 9, 22-32).
L’aveugle reconnaît la présence du Christ dans son miracle parce qu’il sait que seul Dieu peut changer sa vie et lui donner du sens. Il est humble dans le plein sens de mot : il voit clairement qui il est et qui est Dieu par rapport à lui. C’est pourquoi, malgré le mauvais traitement qu’il reçoit des mains des pharisiens, il refuse de renier le Christ. Quand il rencontre Jésus à nouveau, il tombe à ses pieds et dit sans hésitation : « Je crois, Seigneur ! »
Ceux qui reconnaissent directement la présence de Dieu dans les paroles de Jésus sont ceux qui l’attendent, qui ont besoin de lui. Nous sommes ces membres de la foule qui disent « c’est lui ! » à un monde qui ne croit plus en lui.
2. Dans la foule, d’autres écartent la possibilité que Jésus soit le Messie. Saint Jean Chrysostome décrit ces personnes : « Ils connaissaient donc les prophéties qui avaient le Christ pour objet, mais ils ne savaient pas qu’elles avaient leur accomplissement en Jésus, ils savaient qu’il avait été élevé à Nazareth, mais ils ne songeaient pas à s’informer du lieu de sa naissance, et ils ne croyaient pas que la prophétie qu’ils avaient sous les yeux était accomplie en lui ».
Selon saint Jean, alors, cet « agnosticisme » par rapport à Jésus commence par un manque d’espérance. Au fond d’eux, ils n’osent pas croire que le Messie viendra vraiment un jour. Ensuite, il s’aggrave avec un manque d’information. Ils ne prennent pas le temps de demander où est né Jésus. Ils vivent des ouï-dire et de leur intuition.
Des petits agnosticismes, des doutes nous arrivent souvent quand nous souffrons, devant une décision difficile, parfois aussi quand tout va bien et quand Dieu n’est pas nécessaire à notre existence et notre bonheur. Nous laissons la désillusion ou la satiété couvrir notre besoin de Dieu. Nous manquons d’espérance. Et ensuite, nous ne « songeons pas à nous informer » à travers la Parole de Dieu, auprès des ministres de l’Église, dans la prière personnelle. Cette figure de la foule est aussi la nôtre.
3. « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! » expliquent les gardes. Prenons un moment à la fin de cette méditation pour contempler ce Christ qui a séduit même ceux qui devaient l’arrêter. Dans notre témoignage comme dans notre doute, le plus essentiel est de fixer nos yeux sur le Christ et laisser que son regard nous traverse, qu’il voit jusqu’au fond de notre âme, et que nous nous laissons perdre dans ce regard franc et clair, sans apparence ni a priori. Un regard qui nous permet d’exister et qui permet au Christ d’exister en nous.