Comme les disciples s'étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Vous avez appris qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n'en font-ils pas autant ?
Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n'en font-ils pas autant ?
Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Seigneur, nous qui étions des morts, à cause de nos fautes, engourdis par nos péchés et soumis à ce monde et au prince du mal, qui s'interpose entre le ciel et nous, nous contemplons ta miséricorde ineffable : à cause du grand amour dont tu nous a aimés, tu nous as fait revivre avec le Christ : c'est bien par ta grâce que nous sommes sauvés (d'après Ephésiens 2)
1. « Vous avez appris qu'il a été dit […] Eh bien moi, je vous dis […] ». Ce qui avait été dit aux anciens relevait de l'autorité de Moïse; ces traditions étaient attestées par des générations de témoins et ancrées dans l'identité des fils d'Israël. Lorsque Jésus fait ses déclarations, il se positionne non seulement à un niveau équivalent d'autorité, mais même à un niveau supérieur de révélation.
Jésus change la loi: il désactive les clauses restrictives de la morale de l'Ancienne Alliance, qui permettaient de vérifier la légalité de la procédure, tout en accordant une issue de secours. C'était une façon d'humaniser l'observance, si souvent mise en péril par la fragilité humaine. L'histoire démontre cependant que cette issue se prêtait à contourner la loi et menait à de graves abus. Grâce aux monitions des prophètes, la conscience du peuple de Dieu s'est perfectionnée, pour résoudre cette ambivalence de « l'écrit ». La rupture que Jésus introduit, par le passage du droit positif (« il est écrit») au droit naturel et divin (« je vous dis »), se situe néanmoins dans la continuité spirituelle de la grande tradition prophétique. L'Esprit de Jésus et de la nouvelle loi est celui de la vérité et de l'amour. Qui aime cherchera à accomplir ce qui plaît au bien aimé. Écoutons donc ce vouloir de Dieu, d'un coeur reconnaissant et rempli d'amour.
2. « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent… » La nouvelle Alliance implique la filiation adoptive: Dieu nous donne l'identité de baptisés, en échange de notre engagement à vivre conformément aux clauses de vie chrétienne. Or pour devenir enfant de Dieu, il faut conformer sa nature, ses habitudes, son comportement à la condition propre d'enfant de Dieu: si Dieu est amour, et si le propre de l'enfant est de ressembler aux parents, nous devons nous aussi être amour. Or l'amour ne connaît pas de limites, ni de conditions, et va jusqu'à l'amour de ce qui est éprouvé comme le plus adverse. Les conditions et la limitation dans les échanges avec l'autre sont propres à un contrat, non pas à l'amour. En préconisant l'amour, Jésus nous donne l'exemple de sa propre vie: il aime et il pardonne et en paie les conséquences… Nous sommes appelés à l'imiter, [afin d'être vraiment les fils [du] Père qui est dans les cieux .
3. « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » - Jésus demande-t-il l'impossible? Il est plus probable que ma notion de perfection soit déplacée. La perfection se vérifie dans les détails et s'identifie avec l'amour, la délicatesse et la dignité, avec lesquelles une oeuvre est produite: La décoration d'une table n'ajoute rien à la substance du repas, mais elle en augmente la qualité humaine et spirituelle. La propreté et la chaleur d'accueil n'augmentent pas le volume d'un logement, mais cela le rend plus agréable. La perfection se vérifie dans la capacité d'aller jusqu'au bout des déterminations: Les deniers mètres de dénivelée à l'ascension du Mont Blanc ou du Matterhorn. S'arrêter, une heure avant l'arrivée au sommet, précipite une frustration dans les vallées, alors que la plus grande partie de l'effort a déjà été réalisée.
Dans l'œuvre de rédemption, Dieu a opté pour la solution la plus parfaite: en Jésus, Dieu nous prépare une demeure dans le Ciel, plus désirable qu'une chambre d'hôtel sur la côte d'Azur. Un banquet de mets succulents nous attend. Jésus va jusqu'au bout de la passion. Il n'épargne rien, ne fait pas d'économie pour nous nous faire voir quel prix nous avons à ses yeux. Du côté du Christ, l'oeuvre la plus parfaite est celle d'obtenir notre consentement à son invitation, « librement ».