De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :
« Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d'entre vous qui veut bâtir une tour, et qui ne commence pas par s'asseoir pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Car, s'il pose les fondations et ne peut pas achever, tous ceux qui le verront se moqueront de lui : 'Voilà un homme qui commence à bâtir et qui ne peut pas achever !'
Et quel est le roi qui part en guerre contre un autre roi, et qui ne commence pas par s'asseoir pour voir s'il peut, avec dix mille hommes, affronter l'autre qui vient l'attaquer avec vingt mille ? S'il ne le peut pas, il envoie, pendant que l'autre est encore loin, une délégation pour demander la paix.
De même, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Seigneur, à la fin de cette Année de la foi que tu nous as donnée et à l’approche de la fête du Christ-Roi, j’aimerais plonger dans la prière silencieuse ce matin, dans ce dialogue de cœur à cœur, pour te louer et te bénir, pour toutes les grâces que tu m’as données au cours de cette année et pour te demander ce que je dois faire de plus, pour que tu sois l’unique Roi de ma vie. Introduis-moi, Seigneur, dans la prière au nom du Père, « qui dans la plénitude des temps a envoyé son Fils pour notre salut », et du Fils, « qui dans le mystère de sa mort et de sa résurrection a racheté le monde », et du Saint-Esprit, « qui conduit l’Eglise à travers les siècles dans l’attente du retour glorieux du Seigneur ».
1. Que dit en soi le texte biblique (Évangile) ? Ce texte nous présente deux réflexions complémentaires entre elles : le besoin dans notre vie chrétienne de renoncer à tout ce qui nous éloigne de Dieu, de mettre toutes les créatures bonnes à sa place et de laisser la première place au Créateur (vv. 25-27) ; et le résultat de cet exercice de conversion sera la construction de notre vie sur le roc du Christ, pour être « enracinés et édifiés en lui » Col 2, 7 (vv. 28-33). Cette dynamique de la vie chrétienne présentée par le texte est une invitation à prendre la croix pour être de vrais disciples du Christ et à faire les calculs de notre vie, en sachant que notre bien le plus grand, c’est Jésus, le fondement de notre tour, le bien précieux à protéger dans les combats de la vie quotidienne. Dans la première lecture, saint Paul nous rappelle que ce chemin de conversion n’est pas un « non », mais un grand « oui » à l’amour de Dieu et du prochain, car « la charité est la Loi dans la plénitude » (Rm 13, 10). Certains restent perplexes devant la dureté avec laquelle Lc présente les paroles du Seigneur.
Sans vouloir rentrer dans les détails, deux critères peuvent nous aider à comprendre ce passage : l’un nous est proposée par la constitution Dei Verbum, qui affirme que dans l’interprétation de l’Écriture il faut « chercher avec attention ce que les hagiographes ont vraiment voulu dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire passer par leurs paroles » (par exemple, le verbe « haïr » dans notre texte est un hébraïsme, qui renvoie plutôt à l’idée d’un détachement total qu’à celle de la haine telle que nous la connaissons) ; l’autre critère vient de l’expérience des lecteurs de la Sainte Écriture comme Kierkegaard qui disait : « Ce qui me tracasse dans la lecture de la Bible ce ne sont pas les passages que je ne comprends pas, mais ceux que je comprends ».
2. Que nous dit le texte biblique ? Ces paroles de Jésus sont d’une grande actualité pour nous. Recentrer notre vie, revenir à l’essentiel, cet exercice de l' « oubli de ce qui est créé et mémoire du créateur » dont parlait saint Jean de la Croix, c’est un défi de tous les jours. Jésus nous demande la place de Roi de notre vie, pour faire de nous ses disciples. Évidemment, pour la plus part d’entre nous, proclamer que Jésus est le Roi de notre vie n’implique pas une mise à l’écart de la part de notre famille, comme c’était le cas au début du christianisme et encore aujourd’hui pour les convertis de l’Islam et d’autres religions. Ils ont reçu une grâce particulière pour accueillir la foi et aimer leurs familles davantage en Dieu. Nous, le Seigneur nous invite à un détachement total de certaines choses qui nuisent à notre relation avec lui. L’Évangile parle même du détachement de la propre vie, de nous-mêmes.
Mais avant d’aller si loin, sommes-nous prêts à nous détacher de l’avis des autres, par exemple, dans notre relation avec Dieu ? Ici je pense à un jeune qui, après les soirées du samedi, se levait tôt le dimanche pour assister à l’unique Messe célébrée dans le coin. Bigot ? Pour lui le renoncement dont parle l’Évangile se traduisait dans cet acte, l’accomplissement du précepte dominical, qui montre bien que le Roi de sa vie, c’est Dieu et non pas les commentaires de ses amis au retour de la Messe ou son propre confort. Examinons notre vie et nous verrons que les biens sur lesquels elle est construite ne sont pas toujours conformes à la volonté de Dieu. Souvent nous nous décourageons face à l’armée du monde avec ses vingt mille hommes, parce que le roi de notre vie n’est pas Jésus, mais nos propres calculs humains.
3. Seigneur, je veux contempler les biens de ce monde, regarder les belles choses que tu m’as données à la lumière de la foi et de ton amour ; c’est toi leur origine, c’est toi qui leur donnes leur vrai sens, leur vrai éclat. J’aimerais faire l’expérience des saints, comme saint Paul, qui a goûté la science du Christ et qui a considéré tous les avantages dont il était pourvu comme désavantage, à cause de toi (cf. Ph 3, 7). Je contemple la croix sur l’horizon de ma vie, cette croix que je dois prendre chaque jour, et même si elle me fait peur, je veux faire cette expérience de mourir avec toi, parce que là-haut, sur la croix, à ton côté, je peux regarder le monde, mes biens, comme toi, Seigneur, tu les regardes. C’est à travers cette croix, que tu as remis aux mains du Père un règne sans limite et sans fin : règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix (Préface de la fête du Christ-Roi de l’univers).