À l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts).
Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.” Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !” Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre.
Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Père éternel, par la douloureuse Passion et la Résurrection de ton Fils, accorde-nous ta miséricorde, ainsi qu’au monde entier. Au nom du Père…
1. L’Évangile selon saint Luc est l’Évangile de la miséricorde. Le troisième Évangile nous livre huit paraboles sur la miséricorde et à travers elles Jésus nous révèle le visage du Père miséricordieux. « Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier » (Misericordiae Vultus, n° 1). Sept d’entre elles sont racontées lors du voyage de Jésus vers Jérusalem (Lc 9, 51 ; 19, 46) et celle du créancier et des deux débiteurs (Lc 7, 41-43) est racontée lors de sa prédication en Galilée. Aujourd’hui la liturgie nous invite à méditer sur la parabole du pharisien et du publicain : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier ; l’un était Pharisien et l’autre publicain » (Lc 18, 9-14). Les deux hommes ne sont pas choisis exprès pour condamner ou mettre en valeur leur catégorie sociale, mais pour faire apparaître les caractères représentés dans la parabole. Elle nous montre un aspect de la miséricorde de Dieu : sa capacité de justifier et de réintégrer un pécheur professionnel, alors que Dieu ne sait que faire de ceux qui se prennent pour justes et condamnent les pécheurs, leurs frères.
2. Les deux hommes s’adressent à Dieu de la même manière, « Mon Dieu », mais le contenu de leur prière est très différent. Le publicain reconnaît son péché et sa prière est la reconnaissance d’un Dieu qui pardonne et prend pitié. Dans sa prière de glorification personnelle le pharisien reconnaît qu’un seul est bon, lui-même, Dieu n’en est que le témoin. Dans le texte original grec le pharisien utilise vingt-neuf mots pour décrire sa bonté, le publicain n’en prononce que six pour reconnaître sa misère et la bonté de Dieu. En plus, le pharisien prend la place de Dieu pour faire justice et juger ses frères. Il y a encore un long chemin entre ce type de prière égocentrique et la prière chrétienne qui ne commence pas par un « Mon Dieu », mais par un « Notre Père ». Notre prière ne peut pas être un mépris et condamnation de l’autre, mais intercession auprès du Père pour ceux qui sont loin de lui, qui recherchent sa face.
3. Cette parabole met en garde contre une attitude qui peut être présente en toute religion : se considérer comme parfait tout en ayant besoin de détruire l’autre pour se mettre en valeur. Face à ce danger, justice et miséricorde doivent aller de pair : « Il ne s’agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour » (Misericordiae Vultus, n° 20). La justice miséricordieuse de Dieu se révèle là où il y a quelque chose à pardonner, à transformer, à recréer, là où notre péché laisse la place à l’action de Dieu. Au contraire, elle s’arrête là où tout est parfait, parce qu’on réalise qu’il n’y a rien à changer. Dans l’Écriture « la justice est essentiellement conçue comme un abandon confiant à la volonté de Dieu ». Justice et miséricorde se réconcilient quand notre juge est Dieu notre Père et quand Dieu notre Père est notre juge.