Alors, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent. Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? » Il leur dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : “Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.” » Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze. Pendant le repas, il déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. » Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : « Serait-ce moi, Seigneur ? » Prenant la parole, il dit : « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! »
Seigneur, peux-tu me débarrasser de tout ce qui m’alourdit pendant cette semaine, afin que je cours avec endurance l’épreuve qui m’est proposée. Fais que je garde mes yeux fixés sur Jésus, qui renonce au bonheur qui lui est proposé et qui endure la croix en méprisant la honte de ce supplice (cf. Hébreux 12, 1-5).
1. Un chemin de contemplation
La Semaine Sainte est ainsi appelée car nous vivons les mystères les plus élevés de notre foi. Jésus, fils de Dieu, est trahi, livré, condamné, tué par les hommes qu’il est venu sauver. Il est ressuscité le troisième jour ; c’est une nouvelle création pour toute l’humanité, définitivement rachetée du péché. Nous connaissons tellement cette histoire qu’elle devient banale. Pour s’éveiller à la réalité de cette Semaine Sainte et sanctifiante, la contemplation (au sens ignacien) nous permet d’entrer avec toute notre personne dans le mystère qui s’offre à nous. Aujourd’hui, l’Église nous propose de méditer la trahison de Jésus. Saint Matthieu nous raconte les agissements de Judas sans excuse ni jugement. Il s’en va, il vend la vie d’un ami pour trente pièces d’argent à ceux qui veulent le tuer, et puis au cours d’un repas de fête, nie froidement les faits.
En commençant cette prière, nous pouvons rester un moment pour ressentir l’horreur de cet acte. Dégoût, amertume, colère… et ensuite nous pouvons regarder les réactions des apôtres et du Christ.
2. Les apôtres
Si l’évangéliste renonce à parler du cœur de Judas, il nous parle de celui des apôtres. Mettons-nous à table avec eux. C’est la plus grande fête de l’année : la célébration de la libération d’Israël de l’esclavage. Pourtant, cette fête n’est pas comme les précédentes. On sent que le Maître et l’Ami porte un souci. Il leur explique : « Amen, l’un d’entre vous va me trahir ». Les disciples sont frappés par une profonde tristesse, mais ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas imaginer la trahison délibérée de Judas. Ils supposent qu’il s’agit d’une erreur, une de leurs petites trahisons quotidiennes à son amour. Peut-être Pierre se souvient-il d’avoir parlé trop vite auprès des pharisiens ; ou Matthieu de ne pas avoir été assez discret en demandant la salle de réunion… Ils se tournent vers Jésus avec la question : « Serait-ce moi, maître ? »
Sentons avec eux la tristesse d’avoir déçu le Christ, et demandons à Dieu le Père de nous guérir de nos petites trahisons.
3. Le Christ
Et Jésus ? Le Christ sait que l’un de ses amis le trahira. Un ami qu’il a choisi, qu’il a accompagné, écouté, à qui il a confié des responsabilités, et qu’il voulait comme ministre de son Évangile pour le transmettre au monde.
Osons nous approcher du Cœur du Christ comme saint Jean. Le Christ avait un cœur humain comme le nôtre, qui a été envahi par l’échec, l’incompréhension, la perte d’un ami et d’un fils. Ce Cœur touché aussi par la question naïve des apôtres : « Serait-ce moi ? », et en même temps souffrant car il sait qu’il sera seul au Jardin de Gethsémani quand il aura plus besoin de leur présence ; ce Cœur qui s’est livré entièrement dans l’Eucharistie, et qui, lorsque Judas l’a reçu, a été rejeté au plus profond de son don ; ce Cœur qui regarde son Père et qui lui dit : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux » (Jn 17, 24-26).