Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » En les voyant, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. »
En cours de route, ils furent purifiés. L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain. Alors Jésus demanda : « Est-ce que tous les dix n'ont pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? On ne les a pas vus revenir pour rendre gloire à Dieu ; il n'y a que cet étranger ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé. »
Jésus, maître, prends pitié de moi !
1. Lépreux. Flavius Josèphe, qui écrit quelque trente ans après Jésus, nous décrit le sort des lépreux ainsi : « C'est d'une façon définitive qu'il les éloigne de la ville, sans qu'ils puissent avoir commerce avec personne ; ils ne sont pas autre chose que des cadavres... ». Pour ces dix hommes qui rencontrent Jésus, leur lèpre les tue. Ils sont des morts vivants, et dans la mort, il n’y a plus de « commerce », dialogue, relation avec personne. Dans la mort, tout se décompose. Voilà pourquoi la lèpre est l’image du péché – non pas le péché des autres mais notre propre péché. Si on laisse grandir le péché, ce choix de l’amour de soi au-dessus de l’amour de Dieu et des autres (Mt 22,37-39), le péché nous coupe de Dieu. Il nous tue de l’intérieur ; il tue nos amitiés et nos amours. Nos choix se tournent vers nous-mêmes et nous détournent de notre ouverture au monde. Nous sommes lépreux, cadavres vivants. Quels sont les choix dans ma vie qui tuent mon amour pour Dieu et pour les autres ?
2. Qui donc me délivrera ? Saint Paul décrit son expérience devant son péché : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. Malheureux homme que je suis ! Qui donc me délivrera de ce corps qui m’entraîne à la mort ? » (Rm 7, 19.22-24) « Qui donc me délivrera de ce corps qui m’entraîne à la mort ? », c’est le cri qui monte devant le spectacle de notre péché quotidien. Quand nous nous rendons compte de notre lèpre, nous tournons vers le Seigneur avec cette belle prière : « Jésus, Maître, prends pitié de nous ! » Est-ce qu’il nous refusera, celui qui est décrit comme « tendresse et pitié, plein d’amour » (Ps 102) ? Pour prendre pitié, il faut quand même que l’autre accueille la pitié qui lui est donnée. La pitié, ou la miséricorde, n’est pas un beau sentiment, sinon un regard vers l’autre qui embrasse sa souffrance et qui s’engage à l’accompagner. Jésus embrasse la mort de ces hommes, jusqu’à les porter sur la croix. De la même manière, si nous désirons qu’il prenne pitié de nous, pécheurs, il faut accepter que notre péché ait des conséquences mortelles et que Jésus les prenne entièrement sur lui pour nous donne la force de remonter. Suis-je prêt à accueillir la pitié de Dieu pour moi et mon péché ?
3. « Allez vous montrer aux prêtres ». Pour les sauver de la mort, Jésus demande à ces lépreux de se montrer aux prêtres. Il n’intervient pas directement en secret, tout seul, car une des conséquences de la lèpre de ces hommes est leur éloignement de la vie en société. Jésus veut restaurer aussi la vie humaine, relationnelle de ces hommes et non pas uniquement leur vie physique. Pour guérir notre péché, il nous demande aussi d’« aller nous montrer aux prêtres » à travers le sacrement de la réconciliation. L’humilité de se présenter tels que nous sommes devant un homme qui agit au nom de Dieu est déjà une guérison, ce que les lépreux ont découvert en route vers les prêtres de leur ville.