En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Au nom du Père créateur, du Fils rédempteur et de l’Esprit Saint sanctificateur. Amen.
1. Les textes de la liturgie qui nous introduisent dans la période de l’Avent sont aussi très appropriés pour accueillir la nouvelle traduction liturgique de la sixième demande du Notre Père. Déjà le catéchisme de 1992, tout en reprenant la traduction liturgique en vigueur depuis 1966, constatait la difficulté de traduire le terme grec « soumettre » : « Traduire en un seul mot le terme grec est difficile : il signifie ‘ne permets pas d’entrer dans’ (cf. Mt 26, 41), ‘ne nous laisse pas succomber à la tentation’ » (CEC, 2846).
Dans la première lecture tirée du livre d’Isaïe, l’auteur s’adresse à Dieu en l’appelant « Notre Père » (« Seigneur, c’est toi notre père »). Jésus nous montrera la portée inouïe de ces paroles en nous révélant notre condition d’enfant de Dieu par le baptême : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. » (1 Jn 3, 1) Nous sommes plus que de l’argile entre les mains de Dieu, nous sommes les enfants bien-aimés entre les bras de notre Père miséricordieux, des fils dans le Fils. Cependant, dans la conscience limitée de la paternité divine propre à l’Ancien Testament, une question se glisse dans le cœur du croyant, c’est peut-être la même qui habitait notre cœur quand nous priions « ne nous soumets pas à la tentation » : « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? » Pourquoi, Seigneur, permets-tu notre péché et le consentement à la tentation qui nous y conduit ? Est-ce toi, Seigneur, notre Père, qui nous soumets à la tentation et au péché qui détruit l’ouvrage de tes mains ?
2. L’Église croit comme elle prie. Si l’ancienne traduction du Notre Père nous interroge parce que l’on peut comprendre que Dieu nous éprouve en nous sollicitant au mal, la nouvelle est plus en accord avec le sens du texte et surtout avec le visage du Père que Jésus nous a révélé : « Dieu n’éprouve pas le mal, il n’éprouve non plus personne » (Jc 1, 13). Ce n’est pas Dieu, mais le diable qui tente l’homme. Ce que nous demandons en réalité au Seigneur c’est de ne pas nous laisser prendre le chemin qui conduit au péché. Et pour cela il nous faut discerner entre l’épreuve qui fait grandir comme Job qui ose dire : avant l’épreuve je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu (cf. Jb 42, 5) ; et la tentation qui conduit au péché et à la mort. À nous qui sommes « originellement concernés par la question du mal, cernés par sa possibilité » (Rien de ce qui est inhumain ne m’est étranger, Éloge du combat spirituel, Martin Steffens, Éditions Points) Dieu adresse un appel à la vigilance et à la confiance : « Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. Avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter. » (1 Co 10, 13). Saint Paul nous rappelle dans la deuxième lecture que Dieu est fidèle et qu’il nous « fera tenir fermement jusqu’au bout ».
3. L’Évangile, de son côté, est une invitation à la vigilance. La tentation est une réalité de tous les jours et nous devons restés éveillés : « Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. » (1 P 5, 8). Notre vie sur cette terre est un combat et la prière est la clé de la victoire. Demander à Dieu la force de combattre la tentation est un pas de géant vers une décision du cœur qui dit non au mal. La sixième demande nous éveille à la vigilance propre de l’homme qui est en combat permanent. Rendons grâce à Jésus pour la prière du Notre Père, à l’Église notre Mère, qui nous apprend le sens et qui veille sur la prière et la foi du peuple de Dieu.