En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? »
Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ? Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi ! Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens. Mais si le serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde à venir”, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles. Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n’en recevra qu’un petit nombre.
À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. »
Viens, Esprit Saint, prie en moi comme tu priais en Jésus-Christ. Sainte Trinité, présente en moi depuis mon baptême, je t’adore.
1. Reprenons la question de Pierre : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? »
Nous pourrions dire que cette parabole du Christ s’adresse à tous ceux qui ont à leur charge des frères ou des sœurs, donc à chacun d’entre nous ; chacun n’est-il pas le gardien de son frère (cf. Gn 4, 9) ? Voici donc qui est cet « intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ». Tous ceux qui vivent autour de moi me sont en quelque sorte confiés par notre Père. Quant à la « ration de nourriture », nous pouvons y voir le salaire, donc à la fois ce qui est dû et ce qui est mérité et ce dont nous avons besoin pour vivre. Or notre première nécessité, et ce que nous pouvons tous nous procurer les uns aux autres, n’est-ce pas la charité, l’amour fraternel ? Étant créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous méritons d’être aimés, tels que nous sommes.
2. Cette responsabilité vis-à-vis de nos frères n’est pas un fardeau insupportable. Dieu n’exige pas, tel un patron intransigeant, des chiffres d’affaires défiant toute concurrence. Jésus dit : « Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi ! » Il nous demande de vivre en fils de Dieu là où nous sommes. Vivre en fils de Dieu. Comment faire, si ce n’est en suivant les pas du Fils de Dieu ? Or le résumé de sa vie nous le trouvons dans « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout » (Jn 13, 1) ou encore dans le commandement qu’il nous donne, son seul commandement : « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15, 12-13) Ainsi, Dieu n’est pas un cruel inspecteur supervisant chacun de nos mouvements, à l’affût de nos fautes. Il voit certes chacun de nos gestes, mais surtout il voit les cœurs d’un regard plein d’amour. Il est ce Père d’infinie bonté, qui pardonne toutes nos offenses, le seul juste, d’une justice qui est en même temps miséricorde. Il est notre seul juge. Nous souffrons bien souvent de la pression des uns ou des autres : familiale, professionnelle ou autre ; et encore plus souvent de la pression que nous nous mettons nous-mêmes, tel un tyran personnel. Un cri intérieur exige la liberté. Vivre libre ! Écoutons ce cri, ce désir qui justement nous parle de notre désir de Dieu. Sous son regard nous vivons libres. Que nous attendions notre plus grande récompense de notre Seigneur ! Tel un enfant qui se présente à son père ou à sa mère et lui montre ce qu’il a fait. Sa récompense est un regard de fierté, un sourire de tendresse, une oreille attentive, au fond, un cœur aimant. En toutes circonstances, nous pourrons ainsi vivre en paix.
3. Vivre selon cette charité et cette liberté, c’est vivre en enfant de Dieu dès cette vie et c’est vivre dès maintenant la vie du ciel. En d’autres mots, il s’agit de vivre un peu de ce bonheur immense auquel nous sommes promis. Nous ne connaissons ni le jour ni l’heure de notre mort, moment où le Fils de l’homme viendra. Mais nous pouvons l’attendre avec confiance, celui qui est le seul juge et dont la seule mesure est l’amour. Sous cet angle, nous vivrons dans la confiance et la paix. En effet, comme dit le psaume : « Voici le Dieu qui me sauve : j'ai confiance, je n'ai plus de crainte. Ma force et mon chant, c'est le Seigneur ; il est pour moi le salut. » (Is 12, 2)