Comme les disciples s"étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Je vous le déclare : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux.
Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu'un commet un meurtre, il en répondra au tribunal. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. Si quelqu'un insulte son frère, il en répondra au grand conseil. Si quelqu'un maudit son frère, il sera passible de la géhenne de feu.
Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande.
Accorde-toi vite avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu'on ne te jette en prison.
Amen, je te le dis : tu n'en sortiras pas avant d'avoir payé jusqu'au dernier sou. »
Seigneur, rends-moi juste comme tu es juste.
1. Jésus nous demande une justice à la taille de Dieu son Père. Qu’est-ce que la justice et quelle est la justice du Père ? Pour saint Thomas d’Aquin, la justice a deux formes : l’une de donner et de recevoir en retour ; l’autre de distribuer à chacun selon son mérite. Le mot « mérite » blesse nos oreilles, et pourtant c’est le mot juste. Mérite, étymologiquement, veut dire « recevoir en partage sa part et son destin » (du grec meiromai).
La justice de Dieu n’est certainement pas une justice de donner et de recevoir en échange, car nous n’avons rien à donner à un Dieu infini. La justice de Dieu est distributive. Il nous donne à chacun sa part d’héritage, sa dignité. Saint Thomas cite Denys : « On doit reconnaître la vraie justice de Dieu en ce qu’il attribue à tous les êtres ce qui leur convient selon la dignité de chacun, conservant la nature de chaque être à sa place et dans sa propre valeur » (S Th. 1r pars, q.21, 4).
2. Jésus nous demande de dépasser la justice des scribes et pharisiens. C’est la justice « œil pour œil, dent pour dent », une justice qui donne pour recevoir autant. Combien de fois, sans le vouloir, gardons-nous cette stricte justice pour protéger nos biens. « Ils n’ont rien fait pour… ».
3. Jésus nous appelle à un don plus grand, car il nous appelle à une justice à sa taille : « Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui » (Mt 5, 40 – 41). C’est Jésus lui-même, dans son chemin vers le Calvaire, qui va tendre sa joue à ceux qui le battent, qui va laisser ses vêtements à ceux qui le crucifient et qui fait avec nous non pas la belle partie du chemin que tous suivent, mais les deux mille pas de souffrance et de joie qui tissent la vie humaine. Il ne le fait pas parce que nous l’avons gagné par nos bonnes actions. Il le fait parce que nous l’avons « mérité » grâce à sa bonté. Notre existence lui est un bien, une valeur inestimable. Sommes-nous capables de vivre de même avec tous les hommes, nos frères et sœurs ?