Révision des statuts : interview du Dr Stefano De Pasquale, membre de la Commission Centrale

Au mois de juillet de cette année, les membres de la Commission Centrale pour la révision des statuts de Regnum Christi ont offert au Centre des Études Supérieures à Rome une synthèse du travail réalisé jusqu’à présent pour le processus de renouvellement du mouvement Regnum Christi. L'un des membres de la Commission Centrale, le docteur Stefano De Pasquale Ceratti a été interviewé sur son expérience personnelle de ce processus.

Traduction française de la version espagnole parue dans « LaRed », newsletter internationale de Regnum Christi

« Appelés à promouvoir le charisme que Dieu nous a confié »

Né à Rome il y a 39 ans, marié et père de deux enfants, Stefano De Pasquale est chirurgien spécialiste de médecine légale. Il est incorporé au mouvement Regnum Christidepuis 1998 et a rejoint le deuxième degré en 2002. Il a été responsable d’équipes et de groupes dans la section de jeunes de Rome et l’un des fondateurs de Jeunesse Missionnaire dans sa ville. Il a également organisé des apostolats tels que Angelo per un giorno (Ange pour un jour) et Gente Nuova (Personnes nouvelles) à Rome. Il a été secrétaire général de l’Université Europea de Rome, depuis sa fondation jusqu’en 2008 puis a continué d’y collaborer en tant qu’enseignant de médecine légale. Depuis 2008 il travaille au Saint-Siège au Conseil Pontifical pour les laïcs en tant que responsable de la section « Associations et Mouvements ecclésiaux ».

Stefano, vous avez vécu le processus de renouvellement des membres des premier et deuxième degrés au sein de la Commission Centrale pour la révision des statuts. Quelle a été votre expérience au cours de ces mois ?
J’aimerais décrire mon expérience au sein de la Commission centrale par trois mots : service, enrichissement et grâce. J’ai ainsi pu servir le mouvement Regnum Christi modestement mais, je l’espère, utilement. La dimension de service est, pour moi, une réponse à tout le bien que j’ai reçu du Mouvement pendant mon engagement de presque vingt années. Je l’ai aussi vécu comme un enrichissement personnel dans la mesure où j’ai pu partager ces moments historiques et écouter l’Esprit Saint avec d’autres frères et sœurs qui profitent de la même expérience charismatique dans différents états de vie et de formation : laïcs consacrés, consacrées, frères et pères légionnaires du Christ. Enfin, une grâce.
Je ne sais pas pourquoi l’on m’a offert cette opportunité, mais je la considère comme providentielle. Je la porte en mon cœur comme quelque chose d’important dans mon histoire personnelle et sur le chemin que je parcours au sein de Regnum Christi. Pour tout ceci, je considère fondamental de remercier tous ceux qui l’ont rendu possible.

Vous parlez de moments historiques pour le Mouvement. Ce processus de renouvellement est-il si important ?
Évidemment ! Il est important car, comme son nom l’indique, il s’agit d’un renouvellement. C’est avant tout un renouvellement personnel, plus qu’un renouvellement des structures. Il nous faut tous rénover notre cœur, notre foi, notre relation au Christ et notre zèle apostolique. Je le considère comme la part essentielle du projet de réforme que le pape François propose à l’Église et à tout chrétien. Au fond, tout baptisé vit dans un processus de révision et de renouvellement constant, de retour aux racines, aux fonts baptismaux : voici réellement la conversion. Lorsque l’on demandait à Mère Teresa ce qui devait changer dans l’Église, elle répondait : « En premier lieu, deux choses : vous et moi ! »

Qu’est-ce que ce processus apporte aux membres des premier et deuxième degrés et qu’apporte-t-il à tout le Mouvement ?
Nous, membres des premier et deuxième degrés de Regnum Christi, sommes appelés à promouvoir le charisme que Dieu nous a confié pour le bien de l’Église dans le monde actuel, et spécifiquement dans la réalité sociale, familiale et professionnelle où nous vivons tous les jours. Le processus de renouvellement n’aurait aucun sens si nous n’apportions pas la nouveauté de l’Évangile aux périphéries existentielles de l’homme, à tant de frères qui espèrent découvrir le Christ par nos paroles et nos actes. Benoît XVI a déclaré que nous, laïcs, sommes appelés à être comme le tailleur de sycomores, capables, si nous suivons notre vocation, de produire des fruits savoureux pour ce monde qui, malheureusement, procure beaucoup de fruits, mais sans goût. Ce processus est pour nous, membres des premier et deuxième degrés, une belle occasion de regarder autour de nous, en nous-mêmes, mais surtout, comme le dit le pape François, de nous laisser regarder par Dieu. Nous pouvons alors prendre conscience de notre vocation et de notre mission et nous demander si nous sommes réellement disposés à continuer ce chemin vers lequel le Seigneur nous a appelés et qui demande actuellement un engagement plus grand et requiert une plus grande responsabilité de notre part.

À votre avis, quels sont les défis les plus importants que les membres des premier et deuxième degrés doivent affronter en ce moment face à ce processus ?
Pour moi, le défi le plus important pour nous est celui de prendre conscience de notre identité en tant que chrétiens, baptisés et membres du Mouvement. L’accomplissement de notre vocation passe nécessairement par ce dur chemin de renouvellement : qui sommes-nous ? Mais surtout : qu’est-ce que Dieu attend de nous ? De là s’ensuit le défi de responsabilité, c’est-à-dire assumer notre rôle au sein de la famille spirituelle Regnum Christi ensemble avec les consacrées, les laïcs consacrés et les légionnaires. Il nous revient d’assumer avec eux les joies et difficultés de ce chemin spirituel que le Seigneur nous offre dans le Mouvement, un chemin de radicalité évangélique. Tout le reste, les questions pratiques, les règlements, les modalités canoniques de notre appartenance au Mouvement en tant que membres laïcs, etc. se résoudront dans le temps avec patience, abnégation et, bien sûr, l’aide de Dieu.

Certains ont manifesté à la Commission leur inquiétude sur les statuts actuels, approuvés en 2004, qui présentent une ambiguïté sur l’appartenance des membres laïcs d’un point de vue canonique. Étant donné que vous travaillez au Conseil Pontifical pour les laïcs et que vous vous occupez souvent des aspects techniques, pourriez-vous nous expliquer - nous ne sommes pas spécialistes - en quoi consiste cette problématique et comment il faut l’appréhender ?
Le problème est effectivement technique, mais il a des implications pour la vie des membres et pour la rédaction d’un statut général qui nous aidera à veiller et développer le charisme que Dieu a donné à l’Église dans ce Mouvement. L’Église reconnaît le droit naturel des fidèles à s’associer. Elle reconnaît aussi différentes façons de participer ou d’être membres d’une association de fidèles comme Regnum Christi.

Bien que ce soit une simplification, l’on peut dire qu’il existe deux manières possibles qu’un catholique fasse partie du Mouvement : l’association et l’affiliation. De ces deux façons les personnes sont également membres et participent à la spiritualité et à l’apostolat de Regnum Christi. Pourtant, pour l’association, ce sont les membres qui assument leurs propres droits et responsabilités, dont une participation stable à la direction et au gouvernement du Mouvement. En revanche, pour l’affiliation, les membres participent à l’esprit et au charisme du Mouvement mais sans assumer les responsabilités spéciales de son gouvernement bien qu’ils puissent, si le statut le prévoit, être invités à assumer des positions d’autorité au sein du Mouvement.

L’ambiguïté signalée de façon adéquate par quelques-uns admet que les statuts en vigueur actuellement précisent que les membres sont associés. Mais en pratique nous avons plutôt le statut d’affiliés jusqu’à maintenant car cesdits statuts ne prévoient aucune participation de droit à certains organismes de décision ; pourtant nous sommes invités à faire partie, comme je le suis dans cette commission, ou Francisco Gamez dans le Comité directeur général, du Mouvement, ou tant de directeurs de section et coordinateurs locaux d’apostolat, laïcs dans la société.
La Commission Centrale souhaite écouter ce que les membres des premier et deuxième degrés exprimeront sur leur façon d’appartenir au Mouvement, la façon dont ils le vivent et comment ils croient que l’Esprit Saint les inspire pour le bien du Mouvement, de son unité et du développement apostolique.

Quel impact cela aura-t-il sur votre vie ?
Si vous le permettez, j’utiliserai une image qui pourra éclairer mon propos, même si je sais qu’elle ne reflète pas vraiment la réalité. Depuis de nombreuses années nous avons vécu en pratique, et d’un point de vue juridique, comme collaborateurs de la mission de la Légion du Christ et ensemble nous avons accompli de belles œuvres pour l’évangélisation. Nous avons bénéficié du dévouement et de la formation des légionnaires et aussi des membres consacrés qui nous ont transmis le charisme et nous ont aidés à rencontrer le Christ pour être ses apôtres. Je ne pense absolument pas que cela a été une erreur. Je le vois comme un processus de croissance : un enfant a besoin, durant les premières années de sa vie, de ses parents et il dépend d’eux en tout. Puis il commence à grandir et contribue de façon importante à la famille apportant sa spécificité et participant à ses joies et à ses peines.
La réflexion sur notre vie associative au sein du Mouvement nous aidera à réfléchir afin que Dieu nous montre quelle place doivent occuper les laïcs et sous quelle forme nous pouvons le mieux contribuer à l’accomplissement de la mission. Cela nous incitera à assumer plus de responsabilités et à collaborer davantage en participant aux œuvres des autres membres du Mouvement : légionnaires, consacrées et laïcs consacrés. Il ne s’agit pas de quelque chose de politique, mais de maturité ecclésiale, comme l’avait demandé Jean-Paul II à tous les mouvements ecclésiaux lors de la Pentecôte 1998.

Percevez-vous un intérêt de la part des légionnaires, consacrées et laïcs consacrés et même les laïcs dans ce processus ?
Je dois être sincère. Oui je l’observe chez beaucoup, mais je perçois aussi une certaine lassitude chez d’autres. En premier lieu je remarque la passion et le dévouement des autres membres de la Commission Centrale et de beaucoup dans les commissions provinciales. Mais pas uniquement de ceux-ci ; je sens une grande vaillance, surtout de la Légion en général et du P. Eduardo en particulier, dans leur désir de continuer ce chemin avec une grande confiance en nous, membres des premier et deuxième degrés. Pour cela nous devons réellement leur dire merci !
Je sais aussi que certains sont sceptiques. Ils n’arrivent pas à comprendre le processus ou la nécessité de partager pleinement le charisme avec les membres des premier et deuxième degrés. J’ai même rencontré quelqu’un qui a priori se méfiait du processus sans avoir lu les documents qu’on lui avait envoyés et qui auraient pu l’éclairer. Mais je dois dire que je les comprends. L’avenir n’est pas toujours clair et cela peut faire peur.
Mais je suis sûr d’une chose : le Seigneur nous appelle à entreprendre ce processus de renouvellement ensemble, en communauté, comme il appelle l’Église à se renouveler en tant que peuple de Dieu, quel que soit notre état de vie : consacrées, laïcs, laïcs consacrés, religieux, prêtres. Ce grand défi que Dieu place devant nous, soit nous l’affronterons et vaincrons, soit nous perdrons tous.
Je crois que la phrase du pape François dans Evangelii Gaudium (n°113) ; « Personne ne se sauve seul » est évidente pour nous. Dieu nous appelle en tant que peuple ! Aujourd’hui Dieu nous appelle dans le mouvement Regnum Christi en tant que communauté, tous ensemble, bien que nous soyons différents et qu’il soit parfois difficile de nous mettre d’accord, comme dans n’importe quelle famille. Nous devons répondre avec unité, avec charité et avec le plus profond sentiment d’appartenance à une communauté, ce que nous appelons dans l’Église « communion », et qui se réalise toujours dans la vérité.

Désirez-vous transmettre quelque chose aux légionnaires et aux consacrés sur la participation à cette étape de discernement des membres des premier et deuxième degrés à l’étape où nous en sommes ?
Bien sûr ! Nous avons besoin les uns des autres comme dans une famille ! Membres des premier et deuxième degrés, nous avons besoin de vous, de votre présence, de votre proximité, de votre amitié dans le Christ. Je suis marié et j’ai deux enfants. Je sais la difficulté qui existe dans la famille, dans notre diversité de rester unis et de nous aimer lors des moments douloureux. Mais ma vie et mon existence n’ont pas de sens sans mon épouse et mes enfants. Même lorsque nous nous querellons, lorsque nous faisons des erreurs et même nous heurtons. De la même manière je suis un membre du deuxième degré de Regnum Christi mais je ne sens pas que mon appel aurait un sens, que mon identité et ma mission pourraient exister sans les légionnaires, les consacrées, les laïcs consacrés, les membres du premier degré et sans l’aide, l’appui, la prière et l’amour de chacun d’entre vous. Avançons ensemble ! Je suis sûr que Dieu nous aidera et que nous découvrirons ensemble la joie de l’Évangile !

Voulez-vous ajouter quelque chose ?
Une Pentecôte particulière nous attend ; ce sera la célébration du 75e anniversaire de la fondation de la Légion, l’année du jubilé de la Miséricorde et l’occasion de tenir notre première convention internationale. Nous avons un long chemin à parcourir mais cette année à venir sera une étape importante de notre cheminement. Nous prions et participons tous en ce temps où Dieu se rend présent de façon particulière en nos vies.
La Pentecôte est la fête de tous les charismes suscités par l’Esprit Saint. Notre convention internationale sera une occasion extraordinaire de renouvellement. Je me souviens que l’une des déléguées des 38 membres des premier et deuxième degrés de Regnum Christi qui représentait tout le Mouvement au début de ce processus, participant à une réunion de trois jours pour l’étude des statuts avait déclaré : « Je pensais être venue pour examiner les statuts ; mais au contraire, parlant avec vous, priant ensemble devant le Saint Sacrement, il me semble avoir participé à la meilleure de toutes les sessions de renouvellement de Regnum Christi ». Ouvrons nos cœurs au Seigneur et il nous récompensera ! Ne nous détournons pas de cette merveilleuse aide providentielle, ensemble en communion fraternelle !